25 juin 2008

Grâce et dénuement - Alice FERNEY

Actes Sud, 1997

Le sujet
Esther, une libraire, repère une famille de gitans installée sur un potager abandonné. La mère, la vieille Angeline, ses 5 fils, les 4 belles-filles et les enfants vivent sur ce mauvais terrain de boue et d'ennui. Patiemment, elle s'incruste et vient chaque mercredi matin faire la lecture aux enfants. Bientôt, elle est acceptée dans cette famille atypique et les encourage à inscrire la plus âgée des enfants à l'école malgré leur crainte des Gadjé, les "blancs sédentaires".

Le verbe
Le songe est une autre manière de vie et la part de rêve que peut accepter l'esprit est grande. (p.83)
Mon complément
Superbe livre que m'a prêté une amie. Je ne connaissais pas Alice Ferney, je la découvre, plume sensible et attachante, comme un murmure, un souffle. Dans ce récit, nous découvrons avec Esther le monde des gitans, leur misérable existence dans des caravanes aux 4 vents, des hardes en guise d'habillement, un bain dans l'eau de vaisselle tous les 15 jours.
Tu as donné beaucoup de temps, dit Angeline. Elle se redressa contre l'oreiller, et comme Esther avançait son bras pour l'aider, la vieille dit : Laisse ! Je suis pas si faible (mais Esther vit bien qu'elle l'était). La vieille repris ce fil de mots qu'elle ne lâchait plus. Le temps, dit-elle, c'est le plus précieux, et à côté le reste c'est presque rien. Elle dit : La seule chose qui manque, qui est comptée et cruelle, c'est le temps. (p.267)
Malgré ce dénuement, ils ne se plaignent pas, leurs seuls soucis : trouver de quoi se chauffer et de quoi manger. La mort même, est une besogneuse qu'aucune prière ne fait reculer. On ne lutte pas avec le destin. Dieu veille, même s'il a depuis longtemps les yeux crevés.
Ce qu'on garde pour soi meurt, ce qu'on donne prend racine et se développe. (p.271)
Nous suivons Esther qui s'invite, avec opiniâtreté, dans leur cercle, les encourage à accepter une vie meilleure pour les enfants qu'elle initie à la connaissance en leur lisant des histoires, les invitant par là-même à être, non plus des victimes, mais des acteurs de leur destin.
...je vais vous raconter une histoire triste qui se finit bien, dit-elle. Elle est arrivée à une petite fille qui était sourde-muette et aveugle. Cette petite fille s'appelait Hélène Keller, dit Esther en vérifiant que les enfants étaient bien installés. Ils ne bougeaient plus. Elle raconta le silence absolu et la nuit noire qui avaient enveloppé Hélène. (p.203)
L'éducation est le chemin vers la liberté. C'est le fil conducteur de ce roman, ce moment de grâce. Bouleversant.

A noter
A la fin, le livre offre une table des citations de toutes les histoires dont il est fait mention dans le roman ; à mon grand dam, il y manque (injustement) la référence suivante :



L'histoire d'Helen Keller
de Lorena Alice Hickok
une très belle lecture lue dans ma jeunesse, et qui m'avait fortement impressionné. Il m'accompagne encore (en photo : la véritable Helen Keller et son institutrice, 1888).

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