Le livre- Date de Parution : 1980
- Titre original : Mockingbird
- Editions Gallimard / Folio SF
- traduction par Michel Lederer
- 386 pages
- Très belle préface par André-François Ruaud
Le sujetNew York, 2467. Les hommes (sur)vivent dans des mégapoles automatisées, assistés par des robots plus ou moins évolués. Conditionnés et drogués dès leur plus jeune âge, les humains vivent leur pleine individualité, mais ils ont perdu quelque chose de leur ancienne nature : la Foi et le Désir. Un homme se démarque alors, le seul à savoir lire car la lecture a depuis longtemps été interdite car jugée trop intime. L'histoire pourrait peut-être recommencer à rêver...
Le verbe
Elle me contemple comme si elle n'allait pas me répondre. Bien entendu, il lui suffirait de hausser les épaules, de fermer les yeux et l'Obligation de Politesse me contraindrait à la laisser seule. On ne peut pas s'immiscer ainsi impunément dans la Vie Privée d'autrui. (p.57)
Mon complémentCe livre m'a été chaudement recommandé et prêté par un membre de ma famille. Il végétait depuis au moins un an dans ma "pal" quand je l'en ai ressorti, poussiéreux, comme les livres dont il est question dans ce roman. Comme l'annoncent les lettres "SF" de la couverture, il s'agit de "science-fiction" et pourtant, il s'agit d'une merveilleuse aventure des livres perdus.
Car nous sommes dans un temps où l'humanité vit dans un monde réglé par des robots pourtant incapables de réparer les machines déréglées : ils sont en fait inaptes à réagir à un événement non programmé. Ainsi, plus aucun grille-pain ne sort de l'usine, et aucune naissance n'a eu lieu depuis 30 ans, tout cela à cause d'un "dérèglement" de la machine.
Si le temps se compte en couleur, un jaune équivaut à 6 mois, l'humanité est pourtant grise et moribonde. Mais elle se fout du cafouillis des machines qui les encadrent puisqu'elle dispose de tout ce qu'elle désire : les petites pilules de drogue à volonté, la télé gratuite, et du crédit sur sa carte pour acheter le nécessaire vital.
Je regardais la télé après le dîner jusqu'à l'heure du coucher et quand je m'endormais, je rêvais de Télé : violente, hypnotique, de quoi occuper en permanence nos esprits désincarnés.
Un jour le timide professeur Bentley monte à New York : il sait lire et il est le dernier de la race à connaître cette ancienne aptitude. Il a appris tout seul grâce à de vieux livres de maternelle. Il est embauché par Spofforth, le robot le plus évolué, qui lui demande d'enregistrer les sous-titres des vieux films. Consciencieux, Bentley découvre les films et améliore sa lecture. Un jour, il rencontre Mary-Lou, qui vit en marge de la société, et il se prend à imaginer qu'ils puissent vivre comme les couples des films qu'il regarde :
Nous sommes constamment ensemble. On dirait parfois Douglas Fairbanks et Mary Pickford, sauf qu'ils étaient, eux, trop bien élevés pour avoir des rapports sexuels.
Il n'y a pas du tout de sexe dans les vieux films, même si beaucoup de gens vivent ensemble de façon immorale. Le Porno, du genre de celui qui est normalement enseigné dans les cours Classiques, n'avait, semble-t-il, pas encore été découvert, ainsi que la Télé, à l'époque où ces films muets avaient été tournés.
Avec Mary-Lou, Bentley voudrait revivre comme avant, avec des sentiments.
Je lui ai acheté des fleurs, à un distributeur automatique. Des oeillets blancs comme ceux que portait Gloria Swanson dans Queen of them all.
Mais c'est sans compter sur Spofforth. Fabriqué sur le modèle d'un homme très intelligent, le robot le plus évolué est aussi immortel.
Spofforth avait été conçu pour vivre éternellement et ne rien oublier. Et les hommes à l'origine de ce projet ne s'étaient même pas interrogés sur le drame qu'une telle existence pouvait représenter.
Spofforth désire mourir.
Laisse-moi te raconter. Depuis plus d'un siècle, à chaque printemps, je remonte la Cinquième Avenue jusqu'à l'Empire State Building, je grimpe au sommet et j'essaye de sauter. C'est devenu, je suppose, une espèce de rite sur lequel toute ma vie est centrée.

Dans l'espoir de récupérer les souvenirs qui ont été effacés de sa mémoire, notamment celui d'une femme, Spofforth se met en tête d'habiter avec Mary-Lou et fait emprisonner Bentley. Ce dernier devra affronter son propre désir de vivre et faire confiance en ses capacités de survie.
Nous suivons le destin de trois personnages principaux : Spofforth le robot frustré, Bentley le lecteur amoureux et Mary-Lou, la rebelle. Nous sommes très proches de Bentley qui écrit son journal, et qui témoigne d'une humanité après ce que l'on devine comme un accident nucléaire.
Ce livre est en quelque sorte l'odyssée de Bentley à travers une Amérique du futur, dans laquelle il sera accompagné par un chat et ses livres, trainant avec lui ce leitmotiv qui donne aussi le titre original du roman :
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"Seul un oiseau moqueur chante à l'orée d'un bois" |
Mimus polyglottos - Northern Mockingbird
Les livres dans le livreBeaucoup de livres sont mentionnés, j'en ai choisi quelques uns :
- "Dictionnaire"
- Jeunesse de Conrad
- les poèmes de TS Eliott
- Lady Macbeth
- Autant en emporte le vent (à mon avis Walter Tevis ne devait pas beaucoup aimer ce livre car Bentley n'arrive pas à le finir).