27 avril 2007

David et moi

Je suis très émue, ou excitée, ou les deux, en commençant ce billet que je publierai dès que les photos seront ajoutées. Jeudi 26 après-midi j'ai pu, à la suite d'un concours de circonstances (sérendipité?) voir l'exposition The Air is on fire de David Lynch, réalisateur de la série Twin Peaks et du film "Fire Walk With Me".



Réalisateur, mais pas seulement, car cette exposition offre également un large choix de dessins, photos, peintures, films animés et musique du "maître" ; il semble bien que le génie d'un homme ne puisse guère se contenter d'une seule dimension. David Lynch fut d'abord un peintre, ou du moins, voulu le devenir en suivant des études d'art. A 21 ans, il se trouve dans son atelier, face à une toile, le vent se lève, le tableau oscille, il perçoit le mouvement de sa peinture et entend le murmure du vent, il songe au cinéma, c'est l'instant de la révélation, peut-être. Sûr.

Bien sûr, j'admets que le monde de Lynch puisse paraître spécial, voire hermétique. Devons-nous toujours tout expliquer ? Je ne le crois pas. Pour ma part, quand j'aime quelqu'un, je veux tout savoir, même l'incompréhensible. Il n'est pas question de sombrer dans la dévotion, je garde mon esprit critique et je n'aime pas TOUT ce qu'il fait. En revanche je l'aime lui, sa personnalité, sa dualité, son côté obscur, son côté candide. Il nous révèle le temps des brouillons, l'heure des déchaînements, l'instant des révélations. L'expo se déroule jusqu'au 27 mai à la fondation pour l'art contemporain Cartier dans le XIV ème arrondissement (métro Vavin). Cette fondation est abritée dans une structure très moderne, séparée de la rue par une grande baie vitrée. J'entre alors dans l'antre du fantastique :


Les oeuvres sont présentées sur 3 niveaux, pour chacun, la musique est très présente, harmonique, synthétique, métallique. Je commence par le rez-de-chaussée où d'immenses toiles sont accrochées sur des rideaux de couleurs.


( photo prise depuis le jardin)
Sur ce niveau là sont également présentés des dessins, notes, conservés par David depuis son adolescence, autant dire qu'il y a de quoi plonger son regard pour y laisser errer son imagination, tout comme lui est censé le faire.
(Photo prise au rez-de-chaussée)
Après le rez-de-chaussée, je monte vers la zone "librairie", où je me laisse tenter par l'achat d'une carte postale que je choisis pour ses couleurs et surtout parce que je la trouve très inspirante. Il y a là aussi tout un assortiment de photographies.

Pour finir, je passe au sous-sol. Des dessins, une salle de cinéma "ouverte" où sont projetés des courts métrages dans un décor de théâtre. Au détour d'un angle, surprise, je retrouve la réplique en grandeur nature de la carte postale que je viens d'acheter et qui est en fait une photo de la scène que j'ai sous les yeux alos qu'elle ressemble très étrangement à un dessin (voir l'illustration ci-dessous). La fille qui surveille à cet instant la zone m'explique très gentiment que les meubles sont sculptés dans du polystyrène et peints, et qu'ils ont été créés spécialement pour l'exposition (David aurait peint lui même le fauteuil et le canapé d'après le petit guide que je me suis procuré). Je m'amuse à passer dans le décor qui ressemble étrangement à un tableau de Dali, je ne suis d'ailleurs pas la seule à me prendre pour un enfant dans un théâtre.

(ma carte postale)
Petit regret : avoir trouvé la présence des "chaperons" de la fondation un peu trop envahissante, limite inquisitrice avec leur manière d'être partout où le regard se pose quand il quitte les objets exposés, mais peut-être font-ils partie de la mise en scène ?

20 avril 2007

Shutter island - Dennis LEHANE


Le sujet
Je n'irai pas par quatre chemins, mais sur cette île règne un vent de folie. Le récit débute avec l'arrivée de deux policiers sur Shutter Island, une ancienne forteresse désormais transformée en prison psychiatrique, au motif qu'une dangereuse infanticide s'est échappée de sa cellule de manière inexplicable et qu'elle ne doit à aucun prix rejoindre le continent. Les deux policiers débutent alors une enquête où les complicités sont au coeur du suspens !

Le verbe
Si le temps n'est réellement pour moi qu'une série de marque-pages, alors quelqu'un a dû secouer le livre pour en faire tomber tous les morceaux de papiers jaunis, rabats de pochettes d'allumettes, touillettes aplaties, avant de lisser avec soin les feuilles cornées.

Mon complément
Au début, l'histoire se tient : deux policiers enquêtent, l'un est peut-être un peu plus que l'autre sujet à de désagréables souvenirs... Nous le suivons dans son intimité, ses rêves, ses pressentiments. Ce n'est que vers la fin du livre que le style bascule. Sujet à de violentes migraines, notre héros finit, malgré des mises en garde à vous empêcher de prendre de l'eau du robinet, par accepter un médicament. C'est à ce moment qu'il se sent empoisonné et sujet à des visions. Qu'en est-il ? Devient-il fou ? Est-ce une machination ? Ah ! Je vois que vous trépignez, j'ai fait de même à votre place, allant jusqu'à lire la fin, sans rien comprendre... comme d'habitude. Non, il faut suivre au fil des pages, c'est important.

Le docteur finit par avouer au policier qu'il n'est pas vraiment policier, ou plus exactement qu'il ne l'est plus. Que suite à un drame familial : sa femme dépressive a tué leur trois enfants, et que voyant cela il l'a tuée à son tour. Il a pêté les plombs et s'est fabriqué une nouvelle version de sa vérité, persuadé de vivre dans un monde où le drame ne s'est jamais produit, s'inventant même une nouvelle identité, pour lui et sa défunte épouse, qu'il s'imagine avoir péri dans d'autres circonstances. Devant l'échec des thérapies traditionnelles pour le ramener sur les chemins de la raison, et avant de lui faire subir une opération chirurgicale du cerveau sensée le guérir de sa paranoïa, le médecin négocie avec ses pairs de lui permettre de "vivre" en "grandeur nature" sa réalité déformée, de le laisser mener une pseudo enquête entièrement sortie de son imagination.

C'est très fort ! Je me suis laissée prendre à la construction de ce récit. Bravo à Lehane. Je n'ai pas tout dit, seulement levé un peu le voile pour tenter de donner le genre du livre. Ce n'est pas un thriller, ni un policier conventionnel avec force description de cadavres. C'est un nouveau voyage aux confins de la conscience, un bon moment, limite hypnotique pour ma part.

02 avril 2007

L'ancre des rêves - Gaëlle NOHANT


Le sujet
La nuit, les enfants ne sont pas toujours rois. Ils sont à la merci de leur rêves, ou devrais-je dire, de leurs cauchemars… Ainsi les quatre fils d’Enogat Guérindel : Benoît, Lunaire, Guinoux sans oublier Samson, le petit dernier, sombrent chaque soir dans un rêve trouble qui les laisse rompus au réveil, auréolés d’une tenace odeur de mort. Mais plus étrange encore, c’est que bien que les enfants aient l’interdiction formelle de s’approcher de l’océan et qu’ils s’en soient toujours tenus à distance conformément à la volonté de leur mère, trois d’entre eux subissent chaque nuit un embarquement pour l’enfer. L’un tente d’empêcher une mère de noyer son enfant, l’autre monte à bord d’un terrible vaisseau fantôme pour découvrir à chaque fois la vision d’un homme à demi dévoré. Par quoi ? Par qui ? Le troisième voit un homme et de l’eau, c’est le plus petit et déjà, ses rêves empoisonnent son sommeil d’ange. Le dernier frère subit la vision de l’assaut de chevaux fous, lacérés de sang, martelant de leurs quatre fers un univers apocalyptique. On se doute bien que ce n’est pas un signe de chance…

Lunaire le téméraire cherche à comprendre d’où lui vient ce rêve, quelle malédiction coule dans ses veines, et comment il peut réussir à interagir avec les fantômes qui peuplent sa mémoire afin de les faire disparaître. Il se rapproche de quelques survivants des faits passés, qui eux sont bel et bien réels : une vieille femme, un curé et son ami, ancien employé des oeuvres de la mer dont le travail consistait à consigner tous les évènements liés à la vie et à la mort des marins pêcheurs. Avec eux, il tente de renouer le fil du temps, de rassembler les évènements pour lier les morceaux du passé dans un impressionnant boutis d’insoutenables vérités, un patchwork de souffrances hideuses, de morceaux d’absence, de grains de folie, de tranches d’amours perdues et de lambeaux de silences. La mise à nu et la compréhension des évènements tragiques passés mettront fin aux tumultes des rêves.

Le verbe
Ni que son océan à lui serait jonché de galeries enfoncées dans la terre, avec la boue pour berceau, le vacarme des obus s’abattant telles des myriades de vagues sifflantes de colère, le tressautement des morts vivants auscultant leur carcasse à l’aveuglette à la recherche des pièces manquantes.
Mon complément
L’ancre des rêves est un conte fantastique pour les grands enfants. Ceux qui gardent en eux l’impression déraisonnable que laissent les monstres au cœur du sommeil. Qui a dit qu’ils n’existent pas vraiment ? Cette ancre vous prend à la gorge comme si vous étiez un poisson harponné par le hameçon subtil d’un Neptune déchaîné, ou encore un foulard qui ne se desserre qu’à la dernière page. Il faut le savoir. Personnellement je suis restée dans son pouvoir durant trois jours et il me semble sentir encore sur mon cou le souffle d’une corde lisse, de la même nature que celle qui sert à Lunaire pour grimper le long de La "Marie-Louise", le bateau éventré reconstitué par la magie irrationnelle du pouvoir de l’imagination. C’est le roman qui illustre à mon sens le passage entre le monde de l’enfance, ses doutes et ses angoisses et celui de l’adulte, ses vérités et ses acceptations. Il n’y a pas de fatalité, tout est choix de liberté. Pour cela il faut savoir "Faire face" et regarder nos hantises jusqu'à ce qu’elles reculent, qu’elles s’anéantissent sur elles-même pour laisser grandes ouvertes les portes de la vie.

Une ami proche me disait : "quand on veut ne rien faire on trouve une excuse, quand on veut quelque chose, on trouve un moyen". L’ancre des rêves a trouvé le moyen de bien faire les choses.

Connaissant l'auteur via son blog littéraire, j’ai retrouvé avec bonheur sa capacité à nous enrôler dans son univers, à nous imposer ses images colorées, ses visions d’un autre bord : celui du monde où tout est possible. Tout est dans ce livre : la poésie, la douceur, la légèreté, la crainte, la folie, l’amour, l’atrocité, la guerre, les horreurs, la haine, l’amour, encore oui, l’espérance, le refus de s’avouer vaincu, même par le surnaturel. J’ai ri, j’ai même pleuré (vers la fin).

Lien externe

01 avril 2007

Ensemble c'est tout (2007)

Réalisateur : Claude Berri
Genre : comedie dramatique
Année : 2007


L'histoire :
Camille (Audrey Tautou) est une frêle jeune fille qui est en "rupture". Le film nous confirmera qu'elle ne s'entend pas avec sa mère. C'est une artiste qui a décidé de faire table rase de ses capacités artistiques (le film nous tait les raisons, disons qu'elle subit une crise existentielle) et qui gagne sa vie comme femme de ménage, le soir, dans les tours de la Défense. Elle vit dans une chambrette froide dans un immeuble d'un beau quartier, elle croise parfois Philibert (Laurent Stocker), un jeune homme "hors du temps", aristocrate désargenté, passionné d'histoire de France, qui vit dans le 200 m2 de feu sa grand-mère pour éviter qu'une branche de sa famille ne vienne se l'approprier. Dans son immense appartement, vit également Franck (Guillaume Canet) cuisinier abruti par son travail, qui doit faire face au désarroi de Paulette (Françoise Bertin), sa grand-mère, victime d'une mauvaise chute qui doit quitter sa maison de campagne, mais surtout ses chats, chiens et oiseaux.

Les 4 personnages sont esquissés. L'évenement qui déclenche leur rencontre est la suivante : Camille, très faible (pour ne pas dire anorexique) tombe malade et a la fièvre au point de ne pas sortir de chez elle pendant plusieurs jours. Inquiet, Philibert la ramène chez lui pour la soigner. Franck, agacé, voit l'arrivée de la jeune femme d'un mauvais oeil, mais ce sentiment n'est pas définitif !

Mon avis :
Le film est assez fidèle au roman d'Anna Galvada dont il est l'adaptation. Bien sûr, il manque des personnages, des explications, mais globalement, ces absences ne sont pas indispensables pour bien suivre les événements et ceux-ci "tiennent la route".
La musique, envoûtante, enveloppante (j'aime bien le morceau intitulé "Camille" que l'on entend dans la bande annonce) est de Frédéric Botton, il a également du Vivaldi (que j'aime aussi beaucoup !).
Au final : un très bon film, amusant, émouvant (vous me connaissez, il a encore fallu que je verse ma larme, je suis irrécupérable). Une belle leçon de choses sur "nos amis les humains". Ceux qui sont "différents" mais pas tant que ça...

Crédit photo : site officiel du film