26 novembre 2007

Chambre noire (camera obscura)

Yvoux est un endroit et une période tous deux inoubliables. J'y fis mon premier séjour entre 4 et 5 ans, mes parents venaient m'y trouver les fins de semaines, certainement, s'ils le disent. Mais je ne m'en souviens pas. En revanche, je me revois dans la salle de classe, je me souviens de ses odeurs, des verres de grenadine à l'eau de source coulant sous le préau. Je me souviens aussi de ma solitude.

Je me sentais seule, mais les souvenirs de cette époque sont tout de même plutôt joyeux. Je le disais ce week-end à ma soeur. C'est étrange. J'étais du genre petite sauvage, pitoyablement timide, sans doute effrontément désobéissante. Après ce premier séjour, j'y suis retournée plusieurs années de suite, pendant les vacances, comme quoi je n'en fus pas traumatisée. Je crois que j'aimais au contraire ma liberté campagnarde. Je pouvais jouer à l'exploratrice. Avec ma copine Isabelle S., qui vivait chez sa grand mère juste en face, et Anne G., nous avions même créé notre "colonie" de vacances.

Yvoux, c'est bien entendu, le chemin de Cornimont et tout au bout de ce chemin infini, juste à l'orée du bois, il y avait, j'en étais persuadée, la maison de la sorcière. Je voulais y croire. Je la craignais tout en voulant la voir. Je me racontais des histoires et je hurlais à perdre haleine en imaginant qu'elle me poursuivait lorsque je rentrais toute échevelée à l'heure de manger mon goûter de tartines et de boire mon verre de lait.

Je me souviens des dimanche à la messe à La Chapelle (il ne faut pas l'inventer !), les femmes d'un côté, les hommes de l'autre, les dos noirs et les chants en latin, effrayants. Et cette odeur d'encens pesante. Mais j'ai aussi de jolis souvenirs qui sentent la terre et les blés fanés. Même si les soirs, je comptais les voitures qui traversaient le village avant de m'endormir, en priant que mes parents passent me voir le lendemain. Je pleurais en me disant que peut-être, ils m'avaient abandonnée, que je ne les reverrai plus jamais, eux et ma petite soeur. J'en ris à présent c'est sûr, pourtant ce sont des moments que j'ai vécu avec une incroyable acuité.

Elisabeth, la soeur ainé d'Anne, faisait de la photographie. Un jour, elle m'emmena avec elle dans la chambre noire, en me disant qu'il fallait faire très attention ! J'étais très impatiente d'assister à la chose. Les bacs de révélateurs, les fils suspendus, les papiers trempés accrochés. Mystique chimique. Passionnant devant mes yeux d'enfant de 8-9 ans.

Je suis revenue à Yvoux il y a peu de temps. J'ai revu Anne qui y élève des poissons avec son mari. Elle a grandit la petite fille que je tenais par la main en lui chantant

Nous aimons vivre au fond des bois
aller coucher sur la dure
La forêt nous dit de ses mille voix
Lance toi dans la grande aventure...
Revoir mon passé me donne une sorte d'élan, une claque dans le dos qui ne me déplait pas et qui me pousse vers l'avant. C'est comme de regarder dans la chambre noire. Je me penche un peu. Et j'entrevois une espèce de révélation sur moi même.

12 novembre 2007

Cahiers de la guerre - Marguerite DURAS


Ce livre n'est donc pas un roman : il s'agit de la compilation arrangée de ses cahiers manuscrits, contenant certains récits et ébauches de ses futurs romans. Ce livre est un trésor. Pour moi, pour tous ceux qui aiment Duras, car faut-il le dire, un écrivain n'est pas une machine à éditer, il y a, il doit y avoir derrière les mots, une vie, une pensée, un désir.
Ceux qui n’ont pas d’enfant et qui parlent de la mort me font rigoler. Comme les puceaux qui imaginent l’amour, comme les curés. Ils ont de la mort une expérience imaginaire. Ils s’imaginent frappés par la mort, vivants, alors que morts, ils ne pourront pas jouir de cette mort. Alors que devant un enfant, cette idée se vit chaque jour et que si ça arrive, c’est vivant que vous jouissez de votre mort, vous êtes un mort vivant. (p.262)
Marguerite Duras écrit avec une élégance qui me passe à travers les yeux, une force poignante. Il y a le passage très émouvant sur l'attente de son mari Robert, détenu en camp de concentration.
Puis la lutte a commencé. Avec la mort. Il fallait y aller doux avec elle, avec délicatesse, tact, doigté. Elle le cernait de tous les côtés, mais, tout de même, il y avait encore moyen de l'atteindre lui, mais la vie était quand même en lui, à peine une écharde...(p.284)
Il y a sa jeunesse battue. Sa révolte contre tout. Surtout Dieu.
Je voudrais conserver intact l’éclat de l’Evènement qu’était pour moi mon frère ainé. Il était injuste et lâche comme l’est le sort et toute destinée. Sa férocité à mon égard avait quelque chose d’accompli, et au fond de pur. Sa vie se déroulait avec l’implacabilité d’une fatalité et il nous en imposait. Le tissu de coups et d’injures qu’il m’a donné est le tissu même dont son âme était faite, il n’y a pas de marge. (p.72)
Quoiqu'elle puisse écrire, je suis dans l'hypnose de sa présence, de sa voix. Je l'écoute, elle est forte, elle s'affaisse, elle murmure, elle faiblit, elle meurt avec sa désillusion, elle s'empoisonne d'angoisse dans la vision de son mari mort dans un chemin, dans un trou, la face dans la terre. Tout résonne en moi et tangue dans mes yeux mouillés. Mouchoir furtif dans le train, personne n'a rien vu, mais je voudrais me lever et dire "lisez ce livre" !

04 novembre 2007

Les reliques de la mort - J.K.ROWLING

Préambule
Ce livre est le septième et dernier des aventures de Harry Potter, le jeune orphelin qui, le jour de ses 11 ans, apprend qu'il est un sorcier. Chaque tome de cette saga que j'adore raconte une année du héros qui a une particularité : à l'âge d'un an, il a survécu au sort mortel de l'Avada Kedavra que lui a lancé un terrible mage noir, Voldemort, également appelé "celui dont on ne doit pas prononcer le nom". Harry a hérité d'une cicatrice sur son front, et Voldemort s'est volatilisé. Mais il n'est pas mort, il a survécu grâce à ses horcruxes : des objets magiques dans lesquels il a transmuté un morceau de son âme pour s'assurer une sorte d'immortalité au cas où son corps serait détruit. Ce qui arriva.

Le sujet
Nous retrouvons Harry à l'aube de ses 17 ans, l'âge de la majorité chez les sorciers. Secondé de ses deux fidèles amis : Ron et Hermione, il décide de partir sur les traces des horcruxes au lieu d'intégrer leur dernière année à Poudlard. Dumbledore (mort dans le précédent tome) lui a confié une mission : retrouver tous les horcruxes de Voldemort et les détruire afin que Voldemort disparaisse une bonne fois pour toutes.
Il avait cru qu'il serait enchanté d'avoir récupéré l'Horcruxe mais, d'une certaine manière, ce n'était pas le cas. Tout ce qu'il éprouvait, assis dans l'obscurité dont sa baguette n'éclairait qu'une minuscule partie, c'était l'appréhension de ce qui allait se passer par la suite.
Harry part à la recherche des hoxcruces :
  1. le journal intime de Tom Jedusor (détruit dans le 2ème tome : "la chambre des secrets")

  2. la bague de Gaunt (détruite par Dumbledore dans le 6ème tome "le prince de sang-mêlé")

  3. le médaillon de Serpentard

  4. la coupe de Poufsouffle

  5. la couronne de Serdaigle

  6. Nagini le serpent qui accompagne Voldemort et enfin...

  7. Harry Potter.

Vous vous en doutez, Harry devra affronter la peur de mourir afin d'anéantir Voldemort.

Tu es le vrai maître de la mort parce que, la mort, le vrai maître ne cherche pas à la fuir. Il accepte le fait qu'il doit mourir et comprend qu'il y a dans la monde des vivants des choses pires, bien pires, que la mort.
Et les reliques ? Que sont-elles ? Ce sont 3 objets, eux aussi magiques, et qui ont le pouvoir de vaincre la mort. Mais ce ne sont pas des objets maléfiques : il y a la cape d'invisibilité (celle de Harry), la baguette de sureau (celle de Dumbledore) et la pierre de Résurrection (qui se trouvait dans la bague de Gaunt). Mais la possession de ces reliques ne rend pas forcément heureux, Dumbledore en fut le dernier convaincu.

Mon complément
Ce dernier tome est un véritable hymne à la vie, un véritable guide de passage dans le monde des adultes. C'est l'heure des choix sous peine de mort, rien de moins. On y trouve des thèmes très forts : l'épuration : les mangemorts décident de recenser tous les moldus (ceux qui n'ont pas des pouvoirs magiques), ainsi que les sorciers issus de parents moldus.), et la résistance : les amis de Harry risposent en émettant à travers une radio-pirate la "Potterveille", les dernières nouvelles pour redonner le moral. Il a aussi (et surtout !) l'amitié, envers et contre tout, l'amour, la fidélité, pas seulement aux êtres mais aussi à des idées. Il y a également la disparition. Oui, dans ce livre, il y a des morts à foison, parmi les élèves de Poudlard, les mangemorts ou les elfes de maison (j'ai pleuré à la mort de Dobby !) mais il s'agit pour moi d'une histoire d'initiation. Lorsque Harry comprend qu'il doit laisser Voldemort le tuer pour anéantir le dernier horcruxe, il a peur, mais il affronte celle-ci, conscient de se sacrifier "pour la cause de tous". Dans le no man's land où il se retrouve après sa mort (Harry ne meurt pas lui non plu car Voldemort a pris du sang de Harry dans ses veines !), Harry retrouve Dumbledore, celui-ci lui révèle ce qu'il n'avait pas encore compris (et nous en profitons !).
N'aie pas pitié des morts, Harry. Aie plutôt pitié des vivants et surtout de ceux qui vivent sans amour. En y retournant, tu pourras faire en sorte qu'il y ait moins d'âmes mutilées, moins de familles déchirées. Si cela en vaut la peine à tes yeux, alors, disons-nous au revoir pour l'instant.
---Spoiler---
Le final, c'est vrai, est moins grandiose que ne le laisserait supposer l'hécatombe du livre. Enfin, Harry se retrouve -encore- face à Voldemort, tous deux vont s'affronter sans leurs baguettes jumelles à la plume de phénix. Et cette fois encore, Voldemort va lancer son "Avada Kedavra" contre Harry qui se contente d'un simple mais efficace "expeliarmus" (sortilège de désarmement comme son nom l'indique). Cette fois encore, le sort se retourne contre Voldemort qui est définitivement anéanti. "Tout est bien qui finit bien", Harry se marie avec Ginny la soeur de Ron, qui lui épouse Hermione. Ils vivent heureux -autant qu'on puisse l'être après avoir subit autant d'épreuves jeunes, et ils ont beaucoup d'enfants ! Je ne suis pas déçue, pas du tout. Il faut se dire que nous sommes dans une saga pour petits et grands et que cette histoire m'aura portée et transportée avec beaucoup de passion, je suis vraiment accro à Harry, le personnage que j'ai adopté dans ma grande famille.