27 mai 2005

Daniel mon père

et non pas le père Daniel...

Depuis quelques temps déjà (un mois ou deux), je songe à écrire un article sur mon père, "Dany" pour les intimes, mais pour moi, c'est Papa. J'avais envie de lui rendre un hommage, et ce qui m'a décidé c'est la lecture d'un autre billet (M/S), exprimant un amour si doux et tendre, que je me suis dis "je ne dois plus attendre".

Mon père, homme discret, solitaire même, s'est mis à Internet voici 2 ans, pour rester en contact avec ses filles éloignées (géographiquement). L'année dernière, de nouveaux équipements de "pro" sont venus meubler son bureau. Ordinateur portable, imprimante scanner, appareil photo, nous relient mieux qu'un coup de fil, même si c'est moins simple... Heureusement, je lui donne des petits cours de temps en temps, j'explique le minimum suffisant et il se débrouille très bien !

Depuis, nous nous "parlons" comme nous ne le ferions jamais face à face. Non pas que nous n'ayons rien à nous dire quand on se voit. Simplement j'arrive en général au bout de 4 heures de route, je parle pas mal avec ma mère, il reste en retrait... attentif et silencieux. Mon séjour chez eux est un peu accéléré par les détails de la vie quotidienne à assurer, les enfants dont il faut s'occuper...et qui sont très exigents ! Moments précieux qui laissent finalement peu de place aux longues conversations...

Quand je repars, j'ai l'impression bizarre d'avoir manqué quelque chose. Entre-temps, je retrouve mon père dans les mails que l'on s'échange. Je découvre un homme qui, s'il n'aime pas parler, aime écrire. Il a d'ailleurs une très jolie écriture, très particulière, unique même. Précise, minutieuse, lisible, presque comme une calligraphie. Sur son ordinateur, il m'écrit la nature, son jardin, le chat... Je surveille à distance les premières pousses, imagine les récoltes de légumes (et prépare mes commandes de conserves...), perçois la floraison des massifs ou des bordures d'allées, longées par le petit félin de la maisonnée...

Dans ces messages, je retrouve le jeune homme plein d'humour qu'il a été et que je n'ai pas connu, mais que je perçois à travers les récits de souvenirs des autres membres de la famille. Oui mon père est un blagueur. En cela, je lui ressemble beaucoup... Comme lui, je suis un mélange de joie et de mélancolie.

Papa, je t'aime.

26 mai 2005

Le jour où j'ai su

Pas envie de modestie aujourd'hui. Après tout, c'est bientôt la fête des mères, et j'ai envie de me payer une tranche de souvenirs heureux…

Ce jour là remonte à plus d'une vingtaine d'année.

Au lycée, ma prof de français, Mademoiselle Odile B., une jeune femme aux longs cheveux blonds, sévère et sérieuse, que nous craignons toutes [oui, je vous rappelle que j'étais dans une école religieuse non mixte !], nous avait donné un travail de composition novateur : produire en binôme, un devoir sur l'homme et la machine ou quelque chose du genre…en prenant comme base de départ le livre que nous avions à étudier : l'écume des jours de Boris Vian.

La lecture de ce livre déroutant, oscillant entre la science fiction et la poésie, m'avait plongée dans un désarroi indescriptible…me laissant un goût bizarre dans le cœur. Et l'envie d'en être l'auteur…
Tout ce que je peux vous dire c'est qu'à l'instar de mon binôme, j'ai, à partir de jour là, été captée, cooptée dans le corps des artistes de l'imagination…
Ensemble, nous avions rédigé un "essai" qui nous avaient toutes deux propulsées sur le devant de la classe, alors que rien auparavant n'aurait pu laisser présumer de l'une de nous, une quelconque disposition particulière à la réussite scolaire...
Le jour de la remise des résultats, Mademoiselle B., réputée exigeante, avait tout d'abord annoncé sa déception quant à la qualité des devoirs rendus…
Silence consterné, chacune restait dans l'attente d'être vite appelée dans l'ordre de mérite, et les regards convergeaient discrètement vers les majpro (major de promo...).
Coup de tonnerre : Carole et moi sommes les premières appelées. Durant les premières secondes, je crois d'abord à une inversion du classement, et je me dis : aujourd'hui, elle commence par la fin…
Emportées dans notre inspiration soudaine, on a dû faire un hors sujet, ce qui, convenez-en, est assez fréquent en français.
Nous avions eu l'idée de rédiger un texte très visuel, invitant le lecteur à projeter dans son imaginaire, les scènes décalées de Boris et celles d'un film sans parole, qui me donne encore la chair de poule : les temps modernes.

A la consternation générale, c'est nous qui avions écrit le texte délectable, celui dont la classe enviait le style. Celui dont Mademoiselle B. était satisfaite, elle ne tarissait pas d'éloges... Incroyable. J'en ai pleuré ! Depuis ce jour, je n'ai pas cessé de vouloir me perfectionner. Il y a encore du chemin, mais je ne suis pas pressée...

12 mai 2005

Vingt quatre heures de la vie d'une femme - Stefan ZWEIG


Le sujet
Au début du siècle, une petite pension sur la côte d'azur. Les clients condamnent allègrement le comportement d'une des pensionnaires qui vient de partir en compagnie d'un jeune homme. Le narrateur prend la défense de la femme et discute avec une vieille dame qui lui raconte ses propres souvenirs.

Le verbe
J'aurais presque crié, tellement me faisait mal cette lame d'acier chauffée à blanc qui pénétrait en moi, toujours plus implacable.
Mon complément
Il ne m'aura pas fallu 24 heures, pour lire cette nouvelle de Stefan Zweig, mais seulement deux soirs, remplis de ces moments indicibles, de mots embrouillés devant mes yeux, mes sentiments fondus dans les pages de Stefan, encore une histoire de passion. L'amour cette fois, est moins présent au fil des pages, et laisse la place à une évolution de rapports entre deux êtres affamés de la présence l'un de l'autre, l'un avec l'autre, l'un pour l'autre, l'un contre l'autre. C'est beau ! Beau et admirable parce qu'il y a l'expression de la vérité des sentiments, tout simplement. Et la vie est trop courte pour s'en passer.

03 mai 2005

Amok - Stefan ZWEIG

Un livre pour 3 nouvelles.
... la passion des mots, les maux de la passion !

1) AMOK
J'ai beaucoup aimé AMOK le premier récit, où les deux personnages souffrent, la femme dans son esprit puis par son corps ; puis l'homme, torturé par sa promesse, ce qui le mènera à la mort. Tout est superbement transcrit, les doutes, les affrontements, les remords, les regrets. Le personnage de cette femme se rapproche un peu plus de ma personnalité… même si je n'aurais pas choisi la même issue fatale, mais les femmes dans notre société disposent de plus de libre-arbitre et de liberté d'action.

2) LETTRE D'UNE INCONNUE
La LETTRE D'UNE INCONNUE est sans doute dramatique, mais tellement bien écrite ! C'est donc avec un grand élan, que je me suis plongée dès les premiers mots dans ce tourbillon de phrases plus belles les unes que les autres, que j'ai discrètement pleuré à la lecture de certains passages... Je dis discrètement parce que je ne voulais pas que mon mari ou ma fille ne s'en rendent compte, étant donné que je lisais dans la voiture… Ils se seraient étonnés de me voir dans cet état. Dans le genre histoire dramatique, j'avais déjà lu LA DAME AUX CAMELIAS de Dumas, conseillé par un ami qui avait été touché par ce roman, au point de m'avouer qu'il en avait pleuré, à près de 50 ans… Mais la "lettre d'une inconnue" dépasse en émotions, ce que j'ai pu ressentir en lisant n'importe quelle histoire dramatique. Déjà, parce la nouvelle débute par la mort d'un enfant. Ce qui, pour une mère, est inacceptable, inconcevable, un crève-cœur …

Le récit de cet amour est implacable. Tissé de cette résolution à vouloir, pour l'inconnue, à chaque rencontre avec son amour, rester dans l'ombre. Cette volonté de ne pas "déranger" sa vie. Je pense que c'est aussi cela qui m'a fait réagir, qui m'a accablé. Je n'aurais pas certes pas choisi cette attitude. J'aurais été plus nature, plus directe, je n'aurais pas pu me taire, au risque de me faire rejeter. Mais, ce qui est transcrit dans ce récit reflète bien la façon dont les femmes de cette époque pouvaient espérer vivre leur passion, intravertie. Ce qui pour moi reste le plus formidable, le plus touchant, c'est la manière dont l'écrivain, s'identifie à la femme, imagine ce qu'elle ressent, avec tant d'affection, tant d'empathie… Un régal. Bref, ce fut un grand moment de solitude et de réflexion, comme je les aime.

3) LA RUELLE AU CLAIR DE LUNE
LA RUELLE AU CLAIR DE LUNE témoigne d'un épisode plus sombre, à tout point de vue. L'histoire d'abord, une femme qui, par provocation, se prostitue, déchéance de l'âme par le corps. Sombre aussi, l'ambiance nocturne : un homme perdu s'avance vers un cauchemar. Une rencontre amère comme une nausée. Histoire dramatique elle aussi, présentant cependant un peu moins de poésie que les précédentes, mais dont les mots nous engouffrent dans un lit d'émotions teintées de désolation, et tandis que je lisais, j'imaginais très bien les scènes, comme dans un film.

La ruelle au clair de lune - Stefan ZWEIG

Lettre d'une inconnue - Stefan ZWEIG