
Le sujet
Le verbe
Après Huis clos et Les mouches, je me suis plongée dans ce récit autobiographique, puissant, presque halluciné et sans concession, où Sartre se dénonce imposteur. Nous y découvrons les racines de ce qui fera toute sa vie. Une lecture que l'on désire partager (mais ce n'est pas facile).
Le livre est divisé en deux parties égales "Lire" et "Ecrire". Sartre revient sur son enfance et s'arrête vers la période de ses 11-12 ans, lorsqu'il va pour la première fois en classe, à Henry IV, où il côtoiera certains qui deviendront proches. Il dissèque ses débuts avec l’œil implacable d’un anthropologue qui observe la genèse d’une vocation. Orphelin de père (ce dernier meurt alors qu’il n’a que 2 ans), sa mère et lui vont habiter chez les grands-parents maternel : Charles et Louise Schweitzer. Sartre veut plaire à son grand-père, et en général à tous les adultes qui l’entourent et qui l’adulent. Sa mère est comme une grande sœur (les grands-parents les appellent tous les deux « les enfants » et ils dorment dans la même chambre, dans deux lits jumeaux). Elle est son alliée plus que sa mère. Sans amitié de son âge, Sartre s’invente un monde d’aventures, dans lequel il joue, et ses jeux se poursuivent dans la vie réelle : il s'invente un rôle, celui du bon petit garçon bien obéissant. Il découvre le bonheur des livres, leur odeur, leur bruit, leur promesse. Il fait même semblant de lire dès son plus jeune âge, il s’entraîne à apprivoiser les mots comme s’ils étaient des animaux sauvages ; d’abord indéchiffrables et mystérieux, ils finissent par devenir ses seuls amis. Puis, Sartre entre dans l’écriture comme on entre en religion. Pour s’y trouver.
Le verbe
Ma vérité, mon caractère et mon nom étaient aux mains des adultes ; j'avais appris à me voir par leurs yeux ; j'étais un enfant, ce monstre qu'ils fabriquent avec leurs regrets. Absents, ils laissent derrière eux leurs regards, mêlés à la lumière ; je courais, je sautais à travers ce regard qui me conservait ma nature de petit-fils modèle, qui continuait à m'offrir mes jouets et l'univers. Dans mon joli bocal, dans mon âme, mes pensées tournaient, chacun pouvait suivre leur manège : pas un coin d'ombre. Pourtant, sans mots, sans forme ni consistance, diluée dans cette innocence transparence, une transparente certitude gâchait tout : j'étais un imposteur. (p.70 section "Lire")
…je crus avoir ancré mes rêves dans le monde par les grattements d’un bec d’acier. Je me fis donner un cahier, une bouteille d’encre violette, j’inscrivis sur la couverture : « cahier de romans. » (p.117, section "Ecrire")
Je suis né de l’écriture : avant elle, il n’y avait qu’un jeu de miroirs ; dès mon premier roman, je sus qu’un enfant s’était introduit dans le palais de glace. Ecrivant j’existais, j’échappais aux grandes personnes ; mais je n’existais que pour écrire et si je disais : moi, cela signifiait : moi qui écris. N’importe : je connus la joie ; l’enfant public se donna des rendez-vous privés. (p.126, section "Ecrire")Mon complément
Après Huis clos et Les mouches, je me suis plongée dans ce récit autobiographique, puissant, presque halluciné et sans concession, où Sartre se dénonce imposteur. Nous y découvrons les racines de ce qui fera toute sa vie. Une lecture que l'on désire partager (mais ce n'est pas facile).