24 juillet 2010

La Voie de l'Ennemi - Tony HILLERMAN



Le livre

Titre original : The Blessing Way
Date de parution : 1970
Traduction française par : Danièle et Pierre Bondil
Editions Rivages/noir
300 pages


Le sujet
Arizona. Années 70. Luis Horseman, un jeune Navajo de 22 ans disparaît dans les monts Khuska suite à une rixe qui a mal tournée croyant qu'il a tué un homme. Mais l'individu s'en tire et c'est Horseman qui est retrouvé mystérieusement mort, apparemment tué dans un autre endroit que le lieu où son corps est retrouvé. Joe Leaphorn de la police de la réserve la Loi et de l'Ordre mène l'enquête, aidé par son ami Bergen McKee qui étudie les rites des Navajo et leur coutume de sorcellerie. Horseman semble avoir été la victime d'un Loup Navajo et sa famille commande une Voie de l'Ennemi qui retourne le mauvais sort vers le sorcier maléfique.

Le verbe
Le chien devient un homme, un homme de grande taille qui portait la peau d'un loup sur ses épaules, le crâne vide de l'animal reposant sur sa tête. Il tracersa une nappe de lumière et disparut du côté ouest derrière des buissons au pied de la pente d'éboulis. Quand la silhouette réapparut un instant plus tard, MacKee pensa, l'espace d'une seconde, que ses yeux l'avaient trompé...qu'il s'agissait réellement d'un loup. Mais c'était un homme qui courait, ramassé sur lui même, sur le sable humide du lit du canyon, qui courait en silence et avec rapidité en direction de sa tente. Il tenait quelque chose dans sa main droite, un objet en métal qui brillait à la lumière de la lune. C'était un révolver à canon long avec un magasin à munitions qui dépassait devant la détente. Un pistolet-mitrailleur. (p 140)
Mon complément
Suite logique de ma démarche de découverte des auteurs américains amoureux des grands espaces et de la nature, ceci est mon premier livre de cet auteur. Je suis sous le charme en tout cas je ne suis pas indifférente à son style et à ses préoccupations. Nous sommes immergés dans les coutumes Navajo et nous parcourons les canyons.
hogan Navajo

monument valley
L'enquête de police est peu mise en avant, le plus gros du travail étant réalisé par le chercheur Bergen McKee, victime de la traque des criminels qui cherchent à tout prix à préserver leur secret..., et qui, grâce à sa connaissance des rites Navajo trouve le pot aux roses, mais le ton est donné, de quoi inspirer d'autres lectures ! A suivre donc.

23 juillet 2010

Ce que le jour doit à la nuit - Yasmina KHADRA



Le livre

Editions Julliard
2008
400 pages


Le sujet
Younes, un jeune arabe, arrive à Oran et découvre la misère, l’amitié, les trahisons, perd sa famille, en trouve une nouvelle, découvre l’amour dans les bras d’une belle femme, rencontre son seul amour en la personne de la fille de cette même femme qui lui fait jurer de ne jamais approcher sa fille, se lie d’amitié avec trois garçons que la vie se chargera de transformer en ennemis parfois, traverse la guerre des années 60, et se remémore toutes les brûlures et si peu de baume pour calmer celles du remords.

Le verbe
Né au cœur des champs, je retrouvais un à un mes repères d’antan, l’odeur des labours et le silence des tertres. Je renaissais dans ma peau de paysan, heureux de constater que mes habits de citadin n’avaient pas dénaturé mon âme. (p 123)
Mon complément
Le sujet en détail (spoiler !!)
Younes/Jonas, le narrateur a 10 ans lorsqu’il quitte le bled pour Oran avec sa famille après la destruction de leur future récolte de blé. Issa le père est un homme têtu et fier qui refuse l’aumône que lui offre son frère Mahi. La mère est une femme effrayée et soumise et la petite sœur de 7 ans sourde-muette. Ils s’installent dans le quartier de Jenane Jato qui équivaut aux bas fonds d’Oran. Lorsque le père qui s’épuise à faire vivre sa famille consent à confier Younes à son frère pharmacien et à Germaine sa femme, le jeune Younes pénètre dans le monde douillet du confort, de la faim rassasiée et de l’instruction. Il se lie d’amitié avec trois garnements de son école : Jean-Christophe, Simon et Fabrice. L’amour va les séparer en la personne d’Emilie, une jeune fille qui réapparaît dans la vie de Younes, celle-ci n’a jamais oublié le jeune garçon qui lui avait offert une rose : la belle Emilie, d’abord convoitée par Fabrice, puis Jean-Christophe n’aime que Younes qui ne peut, suite à une promesse, lui avouer la réciprocité de son amour sans trahir le lien qui lie Younes à la mère d’Emilie : ils ont fait l’amour autrefois. Ce drame va les séparer à jamais. Emilie épouse Simon. La guerre éclate et avec elle les atrocités explosent comme des fruits pourris. A chaque fois que Younes se trouve face à Emilie, celui-ci se trouve incapable d’avouer son secret. Après l’avoir perdue de vue, il finit par retrouver sa trace mais elle vient de mourir. Nous sommes en 2008. Depuis le temps, les hommes se sont arrangés comme ils le pouvaient face à leur destin, en choisissant ou en subissant leur sort.

Mon impression d’ensemble
J’ai bien aimé la première moitié du livre mais mon enthousiasme est légèrement retombé lorsque j’ai compris que Younes en resterait à son statu quo avec la belle Emilie et cela m’a contrariée, je l’avoue, car après tout, j’aime que les histoires tournent bien. Mais le pire pour moi, c’est qu’Emilie ne sait même pas pourquoi son cher Younes la repousse et là, vraiment j’ai trouvé ce destin super énervant.

Bref, passons ce côté Roméo Juliette de l’impossible et allons voir le côté plus philosophique de la chose. Car ce n’est pas qu’une histoire d’amour évidemment, cet amour contrarié est le prétexte à une contrariété plus profonde, ancrée dans le cœur des hommes comme une racine malmenée qui peine à survivre sans ce qu’il faut à son rêve.
Drame des familles, drames des couples, drames des communautés, drames des classes sociales, la misère et l’opulence comme deux siamois monstrueux et inséparables.

Dans la seconde moitié, le conflit de l’Algérie est abordé, sans entrer dans les détails -on peut lire sans crainte-, mais on se peut se faire une idée du pourquoi du comment car il s’agit d’un roman et celui-ci met en scène les protagonistes : les résignés et les révoltés, les tyrans et les exploités, les autochtones et les colons.
Chacun est certain d’avoir raison et tout le monde perd.

Mais au delà de l’amour et de la guerre, j’ai pu lire un livre magnifique : une belle prose qui vous emporte dans son sillage : qui vous soulève le cœur, qui vous faite rire ou pleurer. Une prose qui vous parle d’un pays : l’Algérie, infiniment cruelle et délicieuse, telle une amante aveugle et imperturbable qui poursuit son destin.

Il manque tout le pan d'histoire de Younes et de la femme qu'il finit par épouser... mais bon, on ne peut pas tout avoir !

Ce livre a été emprunté à des amis alors que, de passage chez eux, je n’ai pu m’empêcher de loucher sur les étagères de leur bibliothèque toujours à l’affût d’une curiosité ou d’une surprise. Pour ce livre, la curiosité m’a poussée à en demander l’emprunt car sans savoir quelle en était l’histoire j’étais seulement désireuse de vérifier par moi même en quoi ce livre était recommandable : j’avais passé mon chemin lors de la sortie car j’avais cru comprendre qu’il s’agissait d’un roman sur la guerre d’Algérie, et moi, je n’aime pas les livres de guerre. J’avais tort, ce livre parle de la paix, de celle que l’on retrouve au fond de soi lorsque les démons que l’on a couvés retournent au néant.