[JOURNAL] Incipit d'une nouvelle en cours
Chaque jour nous voyageons dans le tunnel qui passe sous la forêt domaniale de M. Ce matin là, un flottement persistant dans ma tête comme une boule de billard bondissante m’avait contraint à une sorte de méditation pour atténuer le sentiment d'oppression. Je pensais aux jardins encombrés de râteaux rouillés qui longent les voies, j'imaginais les cafés dans les tasses et je fermais les yeux pour mieux me concentrer. Le trajet dans le tunnel dure un peu plus de trois minutes avant de déboucher au Val Fleuri mais ce jour là, une avarie ferroviaire avait stoppé le train peu de temps après l'entrée dans le souterrain. Les réactions se firent remarquer après l'arrêt de tout bruit. Il n'est pas rare qu'un train s'arrête en pleine course entre deux gares ; arrêt immanquablement suivi d'une annonce, parfois crachotante dans un système de sonorisation vieillissant, du conducteur qui nous informe de la situation. Avertissement sans doute destiné aux plus naïfs.
Le train est arrêté en pleine voie, pour votre sécurité merci de ne pas tenter d'ouvrir les portes.
Je me suis toujours demandé qui serait assez inconscient pour forcer des portes verrouillées et par ailleurs peu faciles à ouvrir en temps normal. Cette fois-là, aucune remarque ne vint perturber le flux interrogateur des voyageurs hésitants entre le désir d'information et la satisfaction de se trouver assis à côté d'un compagnon de voyage rassurant.
illustration Steven Wright (licence unsplash.com)