Accéder au contenu principal

[LITTERATURE] Qiu Xiaolong et son double Chen Cao

A travers le cycle de l'inspecteur Chen Cao, Qiu Xiaolong nous concocte de véritables portraits de la Chine à partir des années 90 au travers des enquêtes menées par un inspecteur atypique : Chen Cao. Comme son double littéraire, l'auteur a été victime de la révolution culturelle : son père était professeur, celui de Chen Cao est un ouvrier devenu directeur d'une parfumerie à la suite d'un concours de circonstances dont il a pu un temps tirer profit avant d'être déchu. Dans les deux cas, deux métiers "de nantis" hautement dénigrés par Mao et donc direction l'opprobre sociale et la rééducation pour les deux pères et leur famille.

Après avoir été étudiant à Saint-Louis (Missouri), l'auteur a décidé d'y rester et a commencé la prolifique carrière littéraire que l'on connait. On découvre ceci dans le dixième tome du cycle de Chen Cao qui mêle les souvenirs de l'auteur avec l'enfance et les débuts de Chen Cao, qui sera pour lui le témoin d'une Chine qui peut difficilement s'affranchir de la corruption même au plus haut sommet.

Pour ma part j'assimile Chen Cao au personnage de Don Quichotte : il est généreux, idéaliste. Il cherche à découvrir la vérité mais il sait aussi comment se préserver afin de ne pas être éliminé. Ce qui caractérise Chen Cao est sa capacité à s'attirer l'aide d'inconnus, parfois à leur perte. Chen Cao est un épicurien et fin gourmet : avec lui nous découvrons, parfois avec dégout (cf. les singes ou les poissons mangés vivants) les mets et spécialités chinoises. Contre toute attente, mais sans surprise s'agissant d'un héros récurent, il arrive à bout de ses enquêtes ; lorsque celles-ci mettent à mal le parti unique en Chine (le Parti communiste chinois), il sait faire le gros dos. Dans la 9è enquête "Dragon bleu, tigre blanc" il manque d'être tué car sa cible est trop proche du pouvoir ; le roman est inspiré d'une véritable affaire de corruption qui a défrayé la chronique.


Vingt ans s'écoulent entre la première enquête "Mort d'une héroïne rouge" (1990, Chen Cao a 30 ans) et la neuvième "Dragon bleu, tigre blanc" où l'inspecteur approche la cinquantaine et c'est ainsi que je l'imagine (voir illustration).

Les romans sont des portes ouvertes sur la société chinoise que peu d'entre nous aurons la possibilité de découvrir un jour et c'est sans doute cela qui me fascine : Shanghai, son architecture, ses Shikumen, ses parcs, le Bund, la rue de Nankin, autant de mots exotiques qui laissent place à l'imagination.

L'auteur transmute certaines personnes familières dans ses romans, ainsi la poignante histoire de son ami "Lu" qu'il fait vivre sous les traits de Lu le Chinois d'Outre-Mer. L'auteur a perdu la trace de son ami au gré de ses visites périodiques en Chine et se désespère de pouvoir le retrouver un jour. Dans ses romans, il lui donne la renommée que son ami aurait pu avoir si la vie en avait décidé autrement.

Le héros charismatique de ce cycle littéraire hautement recommandé a une autre particularité : malgré ses nombreuses aventures aucune ne l'attache et c'est en célibataire que Chen Cao traverse les neufs premiers tomes : une certaine façon pour l'auteur de préserver son indépendance, de limiter les pressions qu'il pourrait subir (en dehors des pressions exercées sur sa mère).

J'espère que la suite lui donnera une compagne à sa mesure.


Vous pourrez découvrir mes résumés et avis sur mon blog littéraire :  Lectures En Contrepoint en suivant ce lien Cycle Chen Cao.


Illustration : Kōji Kikkawa

Commentaires