Une douleur absente

Je dors en enlevant mon bras qui repose à côté de moi, je trouve ma position dans le lit plus confortable. Je ne sais pas depuis combien de temps j'ai cette prothèse. Personne ne la remarque habituellement et je l'oublie de plus en plus souvent : parfois j'oublie de l'emboîter le matin, mon os s'adapte parfaitement autour ça "clique" comme les Lego auxquels je joue parfois avec mon fils quand il me demande de l'aide. Je rencontre un homme, le soir je m'endors dans ses bras, il ne remarque rien. Un matin, je veux remettre mon bras et constate qu'il ne se s'adapte plus, comme si les matières avaient été modifiées, comme si mon moignon avait grandit et ne pouvait plus s'adapter autour du bras articifiel. Je panique, je tente désespéremment de forcer mon bras factice à s'emboiter dans mon épaule sans succès. Je pleure sans avoir mal, la blessure doit dater depuis quelques années et je pense que je m'affole plus du fait de ne plus jamais pouvoir remettre le bras artificiel que de l'allure que je vais avoir sans lui. Je me dis que je n'aurais jamais dû rester autant de temps sans remettre mon bras à sa place, mais je ne peux remonter le temps. Je me réveille épouvantée.
Je viens de lire un témoignage sur la 1ère guerre mondiale et je mets ce cauchemar sur le compte de ma dernière lecture.
illustration © Kiersten Essenpreis


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