[JOURNAL] Domicile connu - épisode 1
Depuis quelques temps je lis sur Grains de sel, le blog de l'Association pour l'autobiographie (APA), les récits d'évocations des maisons et lieux d’habitation des différents contributeurs (catégorie graine de mémoire) et au fil des lectures j'ai ressenti le besoin, la nécessité, de rédiger à mon tour mes souvenirs des endroits que j'ai habités. Les billets ne respecteront probablement pas l'ordre du temps mais plutôt l'ordre d'arrivée dans ma mémoire livrée au mites des années, elle s'effiloche !
Le premier domicile dont je veux parler est à Yvoux (j'ai déjà écrit plusieurs articles sur ce sujet avec le libellé "souvenirs d'Yvoux"). Sans trop vouloir me répéter, Yvoux n'était pas la maison de mes parents mais celle de Tante O, une tante de mon père (lire "des moments d'éternité"). J'y arrivais à l'âge de quatre ans pour me refaire une santé au grand air et j'y restais une année entière, mes parents venaient me voir le week-end mais je n'ai aucun souvenir précis de leurs visites, au contraire des jeux tellement libres que j'inventais en ces temps-là.
La maison d'Yvoux était dépourvue de tout confort mais à quatre ans, le confort réside avant tout dans les bras d'une mère, un repas apprécié et ne pas avoir froid. J'avais tout sauf ma mère ; le premier jour je pleurais car je pensais qu'elle était morte et qu'on ne voulait pas me le dire. A quatre ans une journée dure un an, une semaine une éternité.
Au début je dormais dans un petit lit dans l'alcôve de la chambre de Tante O derrière l'armoire qui séparait la grande pièce du renfoncement. Quand D, la fille de Tante O quitta la maison, je m'installais dans sa chambre au rez-de-jardin, une chambre remplie de merveilles qu'il ne fallait pas toucher : bibelots et napperons en dentelle, livres. J'avais le sentiment de dormir dans la caverne d'Ali Baba, au milieu de l'accumulation de trésors intimidants mais réconfortants.
La chambre donnait sur la salle à manger, solennelle car nous n'y mangions que pour les repas importants avec des invités, sans doute lorsque mes parents venaient. Je traversais toujours cette pièce avec effroi car il y avait une horloge comtoise qui fonctionnait avec un balancier derrière la vitre et moi j'étais persuadée qu'un gnome y était suspendu et m'observait de sa balançoire.
J'avais une imagination infinie, nourrie des lectures que Tante O me faisait chaque soir, et des illustrations des livres de contes que je commençais à lire. Bien sûr qu'en ce temps là, nous savions lire et écrire à quatre ans !
Nous prenions nos repas dans la pièce de séjour qui était à la fois la petite salle à manger et le salon avec le canapé. Je me souviens de l'émission "des chiffres et des lettres", mais peut-être que ce souvenir est plus tardif car je suis retourner à Yvoux aux grandes vacances plusieurs années après cette première année où j'y vécu entièrement.
![]() |
image des tablettes de chocolat COOP |
La véritable cuisine où se trouvait le fourneau à bois était la première pièce en entrant, il y avait l'évier qui servait aussi de lavabo pour la toilette, et le placard à provisions. Le placard lui aussi recelait un trésor : une plaquette de chocolat et j'avais parfois la joie d'avoir un "carreau" c'est à dire lorsque je n'avais pas fait de bêtises ! Oui toutes ces petites joies paraissent aujourd'hui bien chiches : un carreau de chocolat ! mais c'était le bonheur ! C'était du chocolat Coop que Tante O achetait à la camionnette ambulante qui s'arrêtait devant la maison, à l'époque il n'y avait pas de supermarché pour faire ses courses.
A côté de la maison, il y avait un bûcher où était entreposé le bois nécessaire pour se chauffer l'hiver et bien entendu pour la cuisinière. C'était aussi pour moi un terrain de jeu incroyable où les bûches empilées devenaient des meubles, des rideaux et même des personnes. Ah cette insatiable capacité de l'enfance à imaginer l'impossible pour peu qu'il soit nécessaire.
![]() |
Michèle Purnal |
Pour achever la présentation de cette maison, il me faut vous emmener dans le jardin, celui devant la maison où poussaient les fraises dans la platebande et les salades dans la serre, et l'autre un peu plus loin, le potager pour les haricots verts, les petits pois et les carottes. Au bout de l'allée du potager il y avait le dépotoir, ce tas mystérieux où la verdure finissait son cycle impérieux de la nature.
30 janvier 2025
Illustration d'entrée de billet : Miroslav Yotov.
Commentaires
Enregistrer un commentaire
Les commentaires sont modérés, ils seront donc visibles sur ce site après que j'ai pu en prendre connaissance.