[EXPO] François Chifflart l'insoumis
Sans trop savoir à quoi m'attendre, je suis allée visiter l'exposition sur François Chifflart à la maison de Victor Hugo, sur la place des Vosges.
C'était très intéressant de lire son histoire, sa relation avec Hugo dont il a illustré le roman "les travailleurs de la mer" (1869) et de découvrir les difficultés d'être un artiste peintre à cette époque là dans laquelle, sans grosses commandes étatiques ou de mécènes, il pouvait à peine subsister sans le soutien familial ou les petits travaux d'illustration dans la presse.
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François Clifflart et Victor Hugo par Chifflart |
C'était aussi très émouvant de lire (et écouter) les lettres que les deux hommes se sont échangées, témoignant d'une belle qualité littéraire et de modestie.
Paris, 30 août 1869Cher MaîtreMon éternel guignon me tient toujours cruellement. Je ne puis m’échapper. Quelle joie j’aurais d’aller vous voir cependant. Ils me tiennent en suspens depuis dix mois cruel guignon. Mais cruels Éditeurs aussi. Ils me montrent de brillantes affaires. D’autres font semblant de les entamer, et d’autres me renvoient injurieusement nos épreuves. Je vous envoie, cher Maître, cette épreuve repoussée par les Anglais à cause de la gravure, disent-ils, que ne puis-je vous adresser en même temps le spécimen insignifiant qu’il m’avait donné, dans mon orgueil trop naïf je l’ai renvoyé avec mon dessin. Mille grâces, cher Maître, pour votre bonne lettre quoique si élogieuse et si peu méritée. J’espère que vous avez reçu mes dernières fantaisies, puisque le Brave et bienveillant Mr Aug. Vacquerie s’en est chargé. Sa bonté est grande aussi mais égale-t-elle la vôtre.Je me demande toujours à la fin de mes lettres comment j’ai osé vous écrire, et osé vous dire tout ce que je vous dis, j’ai une crainte horrible en les mettant dans la boîte, mais quel soulagement quand vous daignez y répondre. Pardon encore pour celle-ci et pardon aussi pour celles à venir. Celui que vous avez honoré est incorrigible. Je suis altéré. Je viens à la source. Je chancelle. Je trouve un appui, je m’y attache. Qu’on me coupe les deux bras, la tête n’y est plus. Satanés coquins, qu’est-ce que je leur ai fait ? Mon esprit est avec vous, cher Maître, mon corps est exilé, en France. Exilé dans son pays, être mutilé, c’est horrible. Mais je suis fou il n’y a pas d’étoile dans le fond bleu, il n’y a que le nuage. Dans notre gravure, on dirait que c’est vous et un de vos prophètes – ressuscitant toute cette pourriture. Je n’ose pas vous prier, cher et illustre maître, de me gagner la sympathie de vos deux chers fils. S’ils pouvaient s’apercevoir un jour qu’ils ont un frère humble, chétif mais aimant et dévoué à vous, à eux, à la mère commune. Viva la Liberta Tre mille volte
Quand vous reverrai-je, cher Maître,
Dieu le sait ? Mais que cela vienne. Tout à vous
F. Chifflart
Les tableaux et souvenirs présentés viennent de plusieurs musées, l'exposition se termine dans quelques jours et je vous invite à ne pas la manquer car en plus de la visite de l'appartement où Victor Hugo a vécu, vous pourrez contempler et vous promener dans la jolie place des Vosges.
Illustration d'entrée de billet : La Conscience (Caïn est poursuivit par sa conscience après avoir assassiné son frère)
source transcription lettre (que l'on peut entendre dans l'expo : Lettre de François Chifflart à Victor Hugo | Paris Musées
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